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Un tour de Moto, Zen ?



Jasmine, pour mon dernier anniversaire qui remonte quand même à 9 mois, m’avait offert un cadeau à toucher, à sentir, à goutter, mais je raconterai pas tout ici, tant pis pour les curieux. Parmi toutes ses trouvailles, elle avait glissé un petit mot, en braille s’il vous plaît, qui disait à peu près ceci si ma mémoire est exacte :

je t’invite, quand les beaux jours seront venus, à faire un tour sur mon destrier.

C’était pas tombé dans l’oreille d’un sourd, et pour cause ! :-) Mais voilà, à Paris en 2007, les beaux jours ont tardé à venir.

En juillet, tandis que je chantais avec Marianne pour l’inauguration du jardin des haies partagées, Jasmine est venue nous entendre. Découvrant Libérez les trottoirs, elle se dit que la chanson correspondait à l’esprit de l’association Moto Zen dont elle s’occupe. Et elle eut une idée... mais l’heure n’est pas tout à fait encore venue d’en parler. Ce qui compte en l’occurrence, c’est que ce petit spectacle en plein air, avec les habitants et amis du quartier des Haies, fut aussi pour Jasmine et moi l’occasion de remettre à l’ordre du jour sa proposition de chevauchée, motocycliste bien entendu.

Nos escapades aoûtiennes passées, nous convîmes d’un rendez-vous ce lundi 10 septembre, par ailleurs jour de l’anniversaire d’Emilie, hors sujet. Le matin, alors que je travaille à l’écriture de Ame en absence, où je site une sanction resurgie du passé :

Tu prends les femmes pour des motos !

Je souris de l’amusante coïncidence, puisque aujourd’hui c’est une femme qui me prend sur sa moto. :-)

Elle l’a garée rue des Pyrénées. Jasmine me fait faire le tour de l’engin. Je touche, et j’écoute. Elle fait chanter le moteur. Prudente, soucieuse de faire pour le mieux, elle m’explique les choses consciencieusement. Les cale-pieds, Les poignées sur lesquels il faudra que je pose seulement la pointe de mes pieds pour ne pas gêner les siens, les poignées à l’arrières ou je poserai une de mes mains alors que l’autre la tiendra au niveau des hanches, la partie de la celle où j’assiérai mon postérieur. Elle détaille préventivement les différentes forces auxquels mon corps devra répondre par des mouvements appropriés. Elle descendra la moto de sa béquille, fera un demi tour, et j’enjamberai l’animal, mais en gardant un pied à terre, contrairement à ce que l’on fait pour monter un cheval, à savoir mettre un pied sur l’étriller.

Voilà, c’est fait, nous sommes partis. Je contracte tous mes muscles, trop de muscles. Circuler au milieu du trafic n’est pas si aisé que je le croyais. Accélérations et ralentissements plus ou moins soudains, le corps attiré successivement en avant, en arrière, premiers tours de roues peu rapides mais remuants. Le tour de la place Gambetta, la rue Bellegrand, la traversée du périféric, et nous voilà sur l’autoroute.

Nous avançons plus vite, plus régulièrement aussi. Surtout, serrer les jambes contre les siennes, pour mieux prévenir les changements d’allure, les mouvements du canasson. Sentant la circulation plus fluide, j’explore l’état de mes muscles. Je constate que certains sont inutilement contractés, autour des chevilles par exemple. J’essaie de doser l’effort, de relâcher ce qui peut l’être, ma main sur la poignée arrière, l’épaule, l’omoplate. Jasmine me demande en parlant haut si j’ai senti la proximité d’un camion auprès duquel nous venons de passer. Tout à mon introspection corporelle, j’avais un peu laissé de côté les sensations extérieures, et non, je n’avais pas senti le camion.

Je suis maintenant plus attentif aux bruits, au vent, aux vibrations. J’entends quelques moteurs que nous dépassons ou qui nous dépassent, un klaxon de temps à autres. Non, je n’avais pas non plus fait attention que le klaxon de notre propre véhicule avait lui aussi poussé sa gueulante.

Ca va changer de rythme, tourner, me prévient ma chauffeuse, on va changer d’autoroute. Ca penche effectivement, un coup de chaque côté, les deux virages s’enchaînant harmonieusement, le mouvement est souple, agréable.

Nous arrivons bientôt au Circuit Carole, à Tremblay. C’était le but annoncé de notre périple. Je me voyais déjà faire un tour de circuit moi ! :-) Mais pour un pilote comme pour un passager, rouler à deux sur un circuit, ça demande beaucoup d’expérience. Il me faudra encore quelques escapades avant de pouvoir vivre ce tour de manège, et il faudra aussi trouver le pilote compétent qui acceptera le challenge. En effet, comme me le fait justement remarquer Jasmine, ce qui peut être le plus embarrassant dans mon cas, c’est que je ne puisse pas anticiper par le regard les difficultés, virages ou dénivelés. Elle me guide jusqu’au bord de la piste, m’expliquant sa configuration, et j’écoute approcher les bolides, découvrant les différence de bruits des moteurs. Et là, il y en a tout un échantillon, vue que c’est une journée découverte de la FFM.

Ma copine retrouve des copains. C’est un petit monde, celui des motards aussi. Ca me rappelle le monde de la cibi que j’ai pas mal fréquenté dans les années 80, autour de Nantes. On se parle de son matériel, des histoires qui sont arrivées au copains, des records, des coups dures etc. Un Gars de la FFM se déplace sur un drôle de véhicule, une petite plateforme entre deux roues, il est debout dessus, tenant dans ses mains le guidon. Il m’explique que ça avance en fonction de la position plus ou moins basculée vers l’avant du corps, et que ça garde l’équilibre grâce à des gyroscopes au niveau des roues. C’est curieux comme engin. Autorisé sur les trottoirs, interdit sur les routes, ça s’appelle Segway

Aller, on repart. Je suis un peu serré dans le blouson de Jasmine, mais le casque et les gants vont bien. J’ai mis mes grosses chaussures de marche, on ne plaisante pas avec la sécurité. Le hasard a bien choisi ma pilote. Je suis de plus en plus à l’aise. Jasmine rappelle à mes jambes, par quelques légères pressions de sa main gauche, qu’elles doivent enserrer les siennes. Je sens la chaleur de son corps à travers nos jeans. Elle m’a expliqué qu’on allait passer un autopont qui lui demandera un peu de concentration, avec une descente et un virage à la sortie. Tout ça se passe super bien. On se retrouve sur l’autoroute. Le trafic est plus dense qu’à l’aller. On laisse passer les deux-roues plus rapides, l’espace entre les files étant étroit, on ne cherche pas trop à se faufiler, se plaçant quand nécessaire entre deux quatre-roues. Je contrecarre de mieux en mieux les accélérations et décélérations inattendues. Je jouis du vent qui pénètre sous la visière volontairement ouverte de mon casque. Je retrouve les sensations ressenties en volant avec Hervé dans un petit avion monomoteur. C’est comme si nous glissions sur une couche d’air légèrement instable, de subtiles flottements verticaux et horizontaux. J’entends de plus en plus les véhicules qui nous entourent, les passages sous les ponts. Je commence à ressentir un peu d’ivresse. Côté odeurs, j’en parle pas, c’est surtout gaz d’échappement. Je sans sous mes jambes la chaleur de la mécanique.

Mais déjà nous sommes Porte de Bagnolet, et après quelques manoeuvres habiles au milieu de la circulation croissante, nous voilà rue Orfila. Cette fois on se gare en bas du studio, face au Zika où nous nous retrouverons pour nous raconter comment, l’un et l’autre, on a vécu ce moment.

Moi j’avais déjà fait un peu de moto, surtout avec Claude, un copain un peu fou, à l’île d’Yeu, dans les dunes, avec une routière, sans équipement, bref un peu n’importe quoi, et il y a longtemps. Cette fois, c’était tout le contraire. Jasmine militant pour une pratique de la moto respectueuse, elle a agit pédagogiquement. J’étais un peu crispé au départ, attentif à respecter toutes ses mises en garde. Mais au fur et à mesure, je n’en ai que mieux apprécié ce qui m’était offert, intégrant petit à petit les attitudes justes, et profitant ainsi mieux des joies de la moto, goûtant avec plus de sérénité les émotions et les sensations qui me pénétraient. Je fis part à Jasmine de l’aspect sensuel qui, d’un certain côté, me semble lié à cette posture corporelle, à ce corps à corps avec la moto d’une part, et avec le pilote d’autre part. Elle me confia de son côté que, un peu anxieuse au début, d’une part parce que je ne vois pas, mais aussi parce que je suis plus lourd et grand qu’elle, elle avait trouvé que je me comportais très bien en tant que passager, mieux que beaucoup d’autres.

Elle m’a quitté sur un

joyeux anniversaire !

souriant et amusant, de par son anachronisme.

Très beau cadeau, Jasmine, merci tout plein. A quand le prochain tour ? Et vive la Moto Zen !

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